Domaine Richeaume

Au cœur de la Provence, au pied de la montagne Sainte-Victoire, le domaine Richeaume cultive la vigne au milieu des céréales et des oliveraies. Sans chichi et sans chimie, les cultures sont travaillées en agriculture biologique, l’eau utilisée est celle d’une source en amont et le respect du terroir est érigé en maître mot.

Regarder, écouter, sentir, comprendre les temporalités de la vigne, des oliviers, de la faune, du sol sont autant de mantras qui animent l’esprit de ce lieu idyllique et des personnes qui l’insufflent. Intégrer son activité dans un processus global, agir sans perturber, travailler sans déséquilibrer ; au domaine Richeaume penser avec son monde ne peut se passer d’une remise en question permanente.

Du choix et de l’harmonie : naissance d’une philosophie


Il faut remonter au début des années 70 pour comprendre cet esprit empreint de respect et d’harmonie. Oubliez la Provence, ses oliviers, ses massifs rocailleux et ses étés radieux. Bienvenue dans le Connecticut, aux Etats-Unis, en plein campus de l’université de Yale. Au départ, un homme : Henning Hoesch, maître de conférence en histoire. A l’époque, la consommation bat son plein, le progrès technique est facteur de progrès social et le monde semble de plus en plus rompre avec l’harmonie de la nature. Observateur de son temps, Henning Hoesch rechigne à se plier à cet élan qui anime le monde et son pays d’accueil. Chemin faisant, il décide de son retour en Europe avec une idée en tête : retomber en résonance avec la nature. Renoncer à sa carrière pour en épouser une autre, repousser ses connaissances pour cultiver un nouveau jardin, Henning Hoesch choisit l’indépendance et l’unité de son monde.





Accompagné de sa femme, Julia, Henning Hoesch tombe en 1972 sur des vestiges romains, situés entre Rousset et Puyloubier, au pied de la montagne Sainte-Victoire. Comment ne pas succomber au charme de ce paysage hors du temps et de l’agitation permanente de l’époque ? Cézanne ne s’y était pas trompé ; la montagne Sainte-Victoire est ce lieu perdu où la nature reprend son fil d’harmonie. Le couple reprend l’exploitation située au milieu des vestiges antiques et s’attèle à cultiver trois hectares. A contre-courant des pratiques de ces années-là, les deux nouveaux propriétaires font le choix d’une agriculture sans produits phytosanitaires.


Mus par le désir de concilier qualité des vins et respect de l’environnement, Julia et Henning se tournent vers une approche holistique. La vigne et la cave, le raisin et le vin, l’homme et la nature sont liés par une cohabitation aussi équilibrée que féconde. Les accidents, comme en 1989 avec l’incendie du versant sud de la Montagne Sainte-Victoire, modifient les équilibres et poussent à l’adaptation. Henning Hoesch tente de cultiver la vigne en terrasse et d’y planter une syrah conduite sur échalas, à l’instar de ce qui se fait en Côte-Rôtie ou à Hermitage. Le pari est réussi et force au respect ; 30 ans après la cuvée « Les Terasses » rayonne encore.





Transmettre et concilier : l’unité du lieu comme héritage


Construire mais aussi transmettre. En 1994, Sylvain Hoesch, reprend le domaine. Son parcours ? Des études d’œnologie à Marseille, des expériences en Australie (Penfolds) et en Californie (Ridge Vineyards) et surtout une compréhension de ce et ceux qui l’entourent. L’humain, la rencontre, l’écoute sont au centre de sa philosophie. Qu’ils soient œnologues confirmés, étudiants en viticulture, ouvriers agricoles, qu’ils aient des connaissances techniques ou non, pratiques ou théoriques, l’essentiel est ailleurs : adieu les dogmes, bonjour l’échange constructif.


Avec la rigueur et l’exigence qui le caractérisent, Sylvain Hoesch poursuit la réflexion sur la durabilité entreprise par Henning. Restaurer l’habitat en respectant l’esprit du lieu, accorder les niveaux de la cave et du chai avec les terrasses viticoles, concilier nature et culture, Sylvain Hoesch utilise tous les éléments présents pour faire converger les énergies du site. En circuit fermé, l’électricité est fournie par des panneaux photovoltaïques. L’eau provient d’une source naturelle et vient servir à la climatisation du chai via un bassin situé sur le toit. La montagne ? Elle est un pare-vent utile contre le mistral. Le vent ? Il permet de lutter contre le mildiou en asséchant la vigne après la pluie. L’altitude ? Elle vient rafraîchir les nuits et permettre une maturation lente et optimale des raisins.


Le sol est préservé de toute chimie grâce au juste équilibre entre sa composition, la décomposition de matières organiques et la bonne gestion des pratiques du domaine. Le calcaire se prête à la décomposition des végétaux et sarments de vignes, l’argile conserve l’humidité, les moutons produisent un fumier qui sert de compost ou encore l’enherbement aide la vigne à s’enraciner en profondeur et la vie du sol à prospérer. Au domaine Richeaume, chaque élément à sa place.





La qualité comme point d’orgue


Servir la qualité, transgresser les règles si besoin, affirmer son style. Les choix de l’encépagement témoignent de cette réflexivité : cabernet-sauvignon et syrah viennent cohabiter avec le grenache, le cinsaut et le carignan. Cépages bordelais et rhodaniens par excellence, le cabernet-sauvignon et la syrah confèrent toute la personnalité du domaine qui ne renient pas pour autant la tradition des cépages provençaux. Quant aux blanc, la clairette, le sauvignon blanc et le viognier viennent soutenir l’idée de ce pont entre choix forts et héritage du lieu. Il n’a pas fallu attendre l’ère du « consommer moins mais mieux » pour que le domaine Richeaume place la qualité avant la quantité.





A la vigne d’abord, avec une taille attentionnée et rigoureuse qui permet la bonne gestion des rendements (aux alentours de 20 hectolitres par hectares). En cave ensuite, avec une vinification en levures indigènes et dénuée de tout artifice œnologique. Mis en cuve par gravité, les raisins sont protégés de l’oxygénation par une réutilisation du dioxyde de carbone issu des cuves déjà en cours de fermentation. La gestion de la température de la cave est assurée par les collecteurs photovoltaïques pour les fermentations. Pendant l’élevage enfin, l’eau de la source stockée dans le bassin situé sur le toit permet la stabilité de la température tout au long de l’année, aux alentours de 14 degrés. En résultent des vins d’un stabilité impressionnante, avec des doses minimes de soufre, au fruit pur, intense et à la texture soyeuse pour les rouges.